Tout jeune enfant a une aptitude extraordinaire au langage, qu’il soit oral ou écrit. Il absorbe les mots avec une facilité étonnante pourvu que ceux-ci soient intéressants à ses yeux.

Pour le non-initié, il est surprenant de voir ainsi de jeunes enfants mémoriser des mots écrits avec une telle facilité et y trouver autant de plaisir. A ce stade, nommé “phase logographique” par la littérature scientifique, leurs repères sont uniquement graphiques (le tréma sur Noël, les “jambes” de papa) ce qui est normal.

Mais il est surtout passionnant de les voir, spontanément, comparer les mots nouveaux avec ceux qu’ils ont en mémoire et remarquer des analogies. Par exemple, avec maman mamie moto, ils peuvent découvrir le son produit habituellement par la lettre m. Avec galette dînette, cachette, poussette, ils vont découvrir qu’à un même groupe de lettres correspond une même sonorité. L’enfant apprend effectivement par inférence inductive, c’est-à-dire qu’il a besoin d’exemples pour découvrir une règle. Ainsi, il peut découvrir des correspondances entre l’écrit et l’oral et acquiert progressivement le “principe alphabétique”, en interaction avec l’adulte qui l’aide à classer ses mots et grâce au dialogue qu’il a lui-même amorcé.

C’est aussi par inférence inductive qu’il comprendra la co-articulation des phonogrammes, c’est-à-dire que b+a = ba. En effet, c’est en s’amusant à classer des syllabes initiales -extraites de mots connus- selon la voyelle (maman, papa, cadeau….) et selon la consonne (maman, moto, minou…) qu’on mettra tous les enfants sur la voie de la compréhension de la fusion consonne-voyelle. Ils sont dès lors prêts à recevoir l’enseignement de l’école élémentaire.

A l’âge de la maternelle, l’adulte est donc invité à donner des mots écrits qui intéressent l’enfant, à l’observer, à répondre à ses remarques, à l’aider à classer ses mots, à l’accompagner et asseoir ses découvertes. Aucun enseignement systématique, mais une aide à apprendre.

L’enfant progresse parce que nous prenons en compte les aptitudes propres à son âge et que nous nous adaptons à son fonctionnement naturel. En un mot, nous le respectons.

Françoise Boulanger