Il n’est pas possible de détailler chaque méthode mixte ou semi-globale. Mais il est possible d’énumérer les erreurs pédagogiques les plus courantes rencontrées dans ces méthodes, erreurs que le simple bon sens permettrait d’éviter et dont les conséquences peuvent être graves pour les enfants moins performants.

  • Les méthodes semi-globales commencent par des phrases dont les enfants doivent mémoriser visuellement tous les mots. Pour en localiser un, ils sont obligés de prononcer chaque mot de la phrase en s’arrêtant sur le bon ! Mis à part deux ou trois mots intéressants, (pour lesquels ils pourraient prendre un repère idéovisuel), tous les autres, dont articles et conjonctions, sont très difficiles à mémoriser. En effet, l’enfant ne peut prendre que des repères purement visuels, puisqu’il n’est pas encore capable de prendre un repère lettre-son.
  • Pour consolider la mémorisation des mots, on donne à voir des non-mots: “entoure le mot loup parmi poul, loup, luop, loop, loub….” Ayant toutes les erreurs sous les yeux, ce procédé empêche l’enfant de parvenir à la mémorisation correcte du mot (ortho (droit) graphe (écrit). (Dixon & Kaminska , 1997)
  • Au fur et à mesure des leçons, trop de mots-outils sont enseignés globalement: et, dans, avec, sur, les… Ces “petits mots” ne sont pas “intéressants” pour l’enfant et très difficiles à mémoriser puisqu’il ne possède aucun repère grapho-phonologique.
  • A partir de (par exemple) la lettre “r”, montrer rat, marcher, fer, merci, terre … c’est à dire enseigner une foule de notions au même moment. L’enfant se noie. Il faut isoler les enseignements:
    • le son habituel de la lettre avec plusieurs mots commençant par “r”,
    • rassembler des verbes qui finissent en er,
    • rassembler des mots comme merci, fer, mer, mercredi, perle….., .

Il est essentiel d’apprendre une correspondance graphie-phonie à la fois ! Sinon tout s’emmêle dans leurs petites têtes !

Autres erreurs:

  • Demander par exemple de trouver oralement des mots en /ère/ et montrer les correspondances orthographiques : anniversaire, terre, père, mer, l’air, etc…..
  • Partir du son vers la graphie : le son /è/ par exemple représenté par è ê ai ei et (de poulet)…. Enfants submergés à coup sûr !
  • Certains enfants ont apparemment du mal à apprendre les correspondances entre les lettres et les sons. Enseigner en même temps on et ou, ra et ar , ain et ian, oin et ion, leur est néfaste. Surtout pour les futurs petits dyslexiques souffrant généralement d’un déficit phonologique. Introduits en même temps lors des séances de “code”, les enfants les confondent forcément ! Une fois qu’on confond, on confond très longtemps … quelquefois toute la vie ! C’est ainsi qu’on fabrique de faux dyslexiques.
  • Certaines méthodes semi-globales accompagnent l’étude des “sons” de signes phonétiques. L’enfant ne peut pas comprendre que le signe [u] signifie ou et non u, ni que le signe [y] représente le son u.

Erreurs qui ne sont pas graves bien que les exercices dont elles sont issues ne servent à rien :

  • Faire apparier des mots et des “silhouettes” : cette pratique dérive d’une théorie complètement invalidée aujourd’hui. Cela ne sert à rien et c’est aller “contre” le fonctionnement naturel de l’enfant qui ne voit pas des silhouettes, mais prend un (ou deux) repère(s) précis dans le mot.
  • écrire les mots d’une phrase sans les blancs, l’enfant devant la segmenter. Par exemple : Monpetitfrèrealancéleballonàsoncopain.

La faute n’est pas à la semi-globale, mais au fait qu’on ne tient pas compte du fonctionnement cognitif naturel de l’enfant

  • qui apprend une chose à la fois,
  • qui raisonne par inférence inductive (il a besoin d’exemples pour comprendre une règle),
  • qui ne peut apprendre que s’il peut “atteler” la nouvelle notion à ce qu’il sait déjà.

En fait, dans chaque nouvelle méthode semi-globale, on introduit la dernière théorie à la mode sans garder à l’esprit que la méthode est faite pour de jeunes enfants que l’on empêche ainsi de fonctionner normalement.

Les méthodes syllabiques (ou phono-synthétiques ou phonémiques) ne sont pas en reste ! Toutes comportent les erreurs suivantes :

  • Commencer par b+a = ba que l’enfant ne peut pas comprendre d’emblée!
  • Enseigner consonne-voyelle et voyelle-consonne (ri et ir) sur la même page tout au début de la méthode.
  • Partir du son et donner plusieurs graphies correspondantes.
  • Utiliser des mots qui ne font pas partie du vocabulaire de l’enfant.
  • Proposer des phrases qui n’ont souvent pas un sens commun, les mots les plus fréquents ne pouvant être utilisés.
  • Dicter des mots en faisant écouter les sons.
  • Barrer les lettres muettes, ou les écrire beaucoup plus petit.

 

– Françoise Boulanger